Les légions de la nuit
1 L’alligator
Dans les marécages du destin L’alligator n’a pas le choix S’enfoncer encore et encore dans la vase Il cherche ce qui s’évade dans le noir Ce qui s’évanouit d’effroi à sa vue Celle qui se perd en explications Pour ma défense, je demande l’éléphant Le souffle coupé, la langue la première Je monte aux barricades de jour comme de nuit Je monte sur mes grands chevaux en principe, c’est un principe L’alligator n’en peut mais Il ne peut que ce que nature veut Gratter les plaies noyer les chairs L’alligator a tort De déchirer les raisons Il est toujours trop tard pour les tartares Mes larmes sont celles du crocodile Je passe outre les hémisphères Je fais la loutre à l’envers 2 Extraterrestre
Extraterrestre sur ma comète Même pas peur du noir Extraterrestre sur ma comète Même pas peur du vide Ovni soit qui mal y pense J’attends pour voir Ovni soit qui mal y pense Mais la soucoupe est pleine On s’allie à la lie On s’allie pour l’hallali Mais on s’aliène les aliens Qui déterre les mines ? De quoi s’atterrent les terriens ? Des fusées fusent Les réponses faussent Ovni soit qui mal y pense J’attends pour voir Ovni soit qui mal y pense Mais la soucoupe est pleine On se lie à la nuit On se lie à perdre haleine Mais on s’aliène les aliens 3 Tombe
D’accord d’accord tu tombes Tu tombes toujours d’accord D’accord c’était pourtant un bel accord C’était pourtant une belle suite une belle poursuite A corps et à cris à corps et à cris Elle était un peu partie Elle est partie un peu plus Elle était un peu partie Elle est partie un peu plus Qui maintenant l’entourloupe de son affection ? A quel parti elle adhère dare-dare ? Qui prend le parti de la garder là-haut ? Qui étreint ses lumières le soir venu ? Elle était un peu partie Elle est partie un peu plus Elle était un peu partie Elle est partie un peu plus Elle aimerait l’y voir au sommet de sa tour. Là où les scrupules s’abandonnent Là où les fantômes soulèvent le drap Là où les fantômes s’unissent au diapason Elle était un peu partie Elle est partie un peu plus Elle était un peu partie Elle est partie un peu plus 4 Les termites
Dans les gares tu t’égares Tu prends le train du quotidien Sans destination, sans raison Coincé au milieu des termites Dans les gares tu te gares Tu cherches la correspondance Entre les causes, les effets Tu partages le destin des termites Dans les passages sous voies Tu tâtonnes, tu cherches ta voie Et tu piétines les raisons Au milieu des termites Mais tu ne sais toujours pas Ce que tu fais parmi les termites Tu ne sais toujours pas Ce que fout un ermite chez les termites Dans les ports tu regardes Les lumières des navires Et tu nages un peu plus Dans l’esprit des termites Dans les stations-services Tu reprends du service Tu fais le plein de certitude Dans l’avenir des termites Dans les aéroports tu erres Tu as déjà atterri mille fois En compagnie des hôtesses Qui redoutent les termites Mais tu ne sais toujours pas Ce que tu fais parmi les termites Tu ne sais toujours pas Ce que fout un ermite chez les termites 5 Dernier matin
Dernier matin, dernier chagrin Tu tournes le dos à la misère Tu mets l’accent sur la prononciation C’est décidé tu arrêtes les artifices A cette station tu te mires en apesanteur Tu choisis l’orbite au fond de ses yeux Tu lui fais le coup du carnaval à Cap Canaveral Au cinéma elle te fait une scène pour un mauvais plan Tu lui joues l’épopée épique des époques en toc Tu tombes dans le vide des discours tu chutes dans les puits de sciences C’est la folie des glandeurs Ici on se voit ailleurs Ici on se rêve tous les jours A faire semblant à compter les heures Dernier matin, dernier chagrin Tu tournes le dos à la misère C’est décidé tu arrêtes les sacrifices C’est décidé tu arrêtes les sacrifices humains 6 Les hyènes
Faute de combattants, faute de combats Les hyènes s’arrêtent aux portes du désert Mais leurs suppliques retentissent Encore longtemps dans la nuit Les hyènes ne connaissent pas la haine Les hyènes ne connaissent pas la haine qu’elles inspirent Tu te tords avec raison Et tu reconnais tes torts Mais les aveux sont forcés Tu traduis la justice Et le verdict tombe dans le sable Les hyènes ne connaissent pas la haine Les hyènes ne connaissent pas la haine qu’elles inspirent Faute de combattants, faute de combats Les hyènes s’arrêtent aux portes du désert Mais leurs suppliques retentissent Encore longtemps dans la nuit 7 Western
Dans le train on s’est étreint Tu as siffleras trois fois Mais chien de garde J’ai pas voulu Tous les coups sont permis Tu te fais ton cinéma Tu vas finir Prisonnière du dessert Tu fais la moue toute la nuit Tu émets des regrets, des soupirs J’aimais bien les reflets Chevauchées fantastiques Tu dis brute, truand C’est bon tu es lasse D’attendre un retour Sur la rivière de diamants A Rio tu dis bravo aux indiens Tu veux tourner avec l’Apache Mais pour la scène du scalp Ça Comanche mal O.K. nous sommes quittes Tu te charges du règlement De compte avec la chorale Je me charge de la revanche Dans le train on s’est étreint Tu as siffleras trois fois Mais chien de garde J’ai pas voulu 8 Les temps obscurs
Tu es plutôt dur de la feuille Tu es long à la détente Tu n’as pas senti le vent tourner Tu n’as pas vu venir les retours de manivelle Entre les dents C’était pourtant écrit en évidence Qu’après le pire vient le pire encore Bienvenue, Bienvenue Je te souhaite la bienvenue Bienvenue, bienvenue Dans les temps obscurs Fallait pas être devin pour le prévoir Fallait pas être chien pour le renifler Fallait pas être sorcier pour le vaudou Pas besoin d’un mur pour foncer tout droit C’était pourtant écrit en évidence Qu’après le pire vient le pire encore Bienvenue, Bienvenue Je te souhaite la bienvenue Bienvenue, bienvenue Dans les temps obscurs Où sont les circonstances atténuantes Où sont passées les excuses Où se planquent les explications De ces noces de la déraison 9 Pour ou contre
Il y a ceux qui sont pour, il y a ceux qui sont contre Toi tu es toujours pour ceux qui sont contre Moi je suis toujours pour être contre toi Au crépuscule tu te libères des convenances Tu prends la pose dans la galerie avec tes cigarettes Cela rameute les foules, cela émeute les solitaires Attends je prépare le corridor humanitaire Il y a ceux qui sont pour, il y a ceux qui sont contre Toi tu es toujours pour ceux qui sont contre Moi je suis toujours pour être contre toi Depuis quand tu reviens sur ce qui s’est passé Depuis quand ce qui est passé ne revient plus Depuis quand est-tu passée sans revenir Depuis quand de toi je ne peux plus me passer Il y a ceux qui sont pour, il y a ceux qui sont contre Toi tu es toujours pour ceux qui sont contre Moi je suis toujours pour être contre toi Tu erres dans les aéroports de ta mémoire Tu rêves aux pilotes qui font l’avion avec une ligne Et tu as l’air absente des hôtesses qui décollent Toujours sur les mauvaises compagnies Il y a ceux qui sont pour, il y a ceux qui sont contre Toi tu es toujours pour ceux qui sont contre Moi je suis toujours pour être contre toi 10 LES DIVINITÉS
Tu passes ton temps à répertorier Les vices d’une écrevisse Tandis qu’elle bisque au coin du feu Avec Omar et ses croutons Tu aimerais tant méduser ta méduse Mais le dauphin attend son massage Repasse l’info à la bande de requins Baignade interdite sans son aileron Elle t’a pris pour un pingouin À lui déclarer ta flamme en morse Tu lances encore des invitations Mais il y a de la friture sur la ligne La baleine chante sous son parapluie Tu fais semblant d’avoir la pêche Mais tu ne trouves plus ses messages Au fond de la bouteille Le ton est donné mais fais attention Au maquereau il va la mettre en boîte Elle te dit qu’un anchois n’as pas le choix Et que les sardines se serrent sur le banc Le commandant costaud est sur le pont Tandis qu’elle fait mousser le mousse Elle préfère mariner avec les marins que frayer avec le gratin Tu n’as plus foi dans la morue Tu sens que tu vas rater l’entrée Où sont les corps qui chaloupent Où est le salut sur les chalutiers C’est vers les coquillages que dansent Les poissons dans leur nage Mais elle murmure dans son sommeil Ça manque toujours de sel, marin ! 11 BOUILLABAISSE
Il fait semblant de faire semblant Il fait semblant de croire aux faux-semblants Il reconnaît le mauvais goût dans la bouche Il reconnaît le mauvais goût du dégoût Tandis que là-haut, là-haut, tout là-haut Les divinités s’envoient en l’air Il ne trouve plus l’air Il ne retrouve plus la chanson Maintenant il attend Il attend les effets secondaires Il boit ce qui est vain jusqu’à la lie Et il lie connaissance Avec les légions de la nuit Les cohortes de l’ennui Whisky pour les ouistitis Vodka pour les koalas Capitaine il y a une fuite dans le cerveau Capitaine on fonce droit sur les glaçons Tandis que là-haut, là-haut, tout là-haut Les divinités s’envoient en l’air Il ne trouve plus l’air Il ne retrouve plus la chanson Maintenant il attend Il attend les effets secondaires 12 SANS SE DOUTER DE RIEN
Sans te douter de rien Comme ceux qui t’ont précédé Tu souris à la nuit Tu tombes et tu te relèves Tu tombes et tu te relèves Tu tombes et tu te relèves encore C’était sans compter les allusions C’était sans compter les illusions C’était sans compter faire l’avion C’était sans compter faire semblant Dans les trous noirs de ta mémoire Tu cherches la place de l’Etoile Celle qui filait dans ta nuit Tu tombes et tu te relèves Tu tombes et tu te relèves Tu tombes et tu te relèves encore C’était sans compter la distinction Sans compter l’addition C’était sans compter les avirons sans compter le panthéon Sans te douter de rien Tu souris à la nuit Tu as beau tomber Jamais tu ne nuis A la nuit tombée Jamais tu ne nuis A la nuit tombée 13 Le mur de Berlin
J’ai fait le mur à Berlin Et j’ai sauté sur scène à Paris J’ai fait le porc à Amsterdam Et j’ai fait la manche dans le tunnel J’ai fait des tours, des détours Toujours à rebours Et j’ai raté mon tour Mais maintenant c’est retour à la case départ J’ai fait l’étranger au nez camus J’ai fait le fantôme en Afrique J’ai fait l’écrivain errant triste en Levi-Strauss sous les tropiques J’ai fait des tours, j’ai fait des passes Et j’ai passé mon tour J’ai fait des tours dans les impasses Et j’ai fait des tours de passe-passe J’ai perdu mon temps à bicyclette J’ai perdu mon temps à ta recherche J’ai raté la porte en prenant la sortie J’ai raté ma sortie en prenant la porte J’ai fait des châteaux de sable en Espagne J’ai fait des châteaux de carte en Espagne J’ai pris le bateau ivre Et j’ai pris les ténèbres à cœur Tout ça pour quoi ? Tout ça pour qui ? Tout ça pour ça ! Tout ça comme ça ! |
Paroles, musique, guitare, voix : Alain Galatis
Enregistrement, mixage, mastering : Christian Piquerez, Studio des Anges, Lausanne, avril-mai 2016 Illustration : Haydé |